Parce que mon frère m’a dit que l’enfant qu’elle portait n’était pas de moi. Pourquoi n’avoir pas fait depuis tout ce temps un test de paternité, relance la présidente ? Parce que c’est à elle de prendre cette initiative, réplique le jeune homme.
Deux gendarmes, présents au moment de son interpellation musclée et qui ont été blessés par le prévenu, sont à l’audience en tant que témoins. Ils préviennent : si on était pas intervenu, il l‘aurait cette fois-ci tuée.
Elle confirme.
2nde affaire : un jeune se présente à la barre. Il est en liberté. Il travaille.
Il y a quelques mois, des gendarmes lui demandent de s’arrêter pour un contrôle.
Il s’enfuit et jette dans sa fuite un sac plastique dans un jardin public.
Quand les gendarmes ont ouvert le sac, ils disent avoir trouvé de la drogue en quantité.
Lui, conteste, se plaint mollement des conditions de son interpellation.
3ème affaire, deux victimes d’une guerre de bandes sont présents dans la salle.
Quand le premier médecin l’a ausculté un des deux jeunes, on a trouvé sur lui 64impacts de coups en tous genres (pieds, poings, couteaux, etc. …) : il a perdu son œil.
Il n’a pas 25 ans.
Le prévenu, lui, est en fuite.
Enfin, c’est à moi.
En ma qualité d’Avocat, j’assiste la victime d’une usurpation d’identité.
Devant cette violence extrême qui a explosé tout au long de cette première partie d’après-midi, on est presque gêné d’être là.
L’usurpation d’’identité ne génère pas de violences physiques, du moins directement.
Pourtant, il s’agit bien d’une autre violence dont mon client se trouve être victime.
Une violence psychologique extrême.
En 2010, il décide de quitter la banlieue parisienne pour s’installer dans le sud-ouest de la France.
Moins de 2 ans plus tôt, On lui a volé son passeport.
C’était oublié.
Arrivé dans sa nouvelle vie, il décide, avec sa compagne, l’achat d’un petit appartement.
La banque lui refuse le prêt, il est inscrit 5 fois dans le fichier de la banque de France (fichier national des incidents de remboursement des crédits aux particuliers).
Stupeur. Il découvre qu’un individu a utilisé son Passeport, simplement en remplaçant sa photo par la sienne.
Détail troublant, mon client est très blanc de peau, blond, le passeport indique 1,70m et yeux bleus.
L’usurpateur, lui, est mat de peau, très brun, un bon mètre quatre-vingt, et des yeux qui ne sont pas bleus.
Qu’importe, une grande banque de la place de Paris, peu regardant sur le vrai faux passeport, lui a ouvert un compte bancaire, à partir duquel l’individu a souscrit une petite 10aine de prêts à la consommation impayés, qui expliquent l’inscription au fichier de la banque de France.
Depuis près de deux ans, mon client a subi plusieurs saisies de comptes bancaires, la dernière en Février 2012.
Il reçoit régulièrement des injonctions de payer, des visites d’Huissiers missionnés par des créanciers non payés, des courriers comminatoires d’agences de recouvrement.
Face aux poursuivants, il fait valoir l’usurpation mais on ne le croit pas toujours.
L’usurpateur a aussi souscrit une 15aine de lignes téléphoniques mobiles, Chez Sfr et Nrj Mobiles, toujours au moyen de l’identité de l’usurpé.
Evidemment, il n’a pas payé.
Mon client est interdit de téléphone mobile.
Mon client est technicien intermittent du spectacle.
Depuis que l’usurpateur a créé une société du bâtiment, où son nom et son état civil trônent comme gérant de cette Sarl, il a les pires difficultés avec Pôle Emploi, qui ne comprend qu’il soit demandeur d’emploi et gérant de société.
Il a beau s’expliquer, les difficultés s’accumulent.
Bien évidemment, Ikea, Darty et d’autres commerçants, sont régulièrement visités par notre homme qui, extrait K-bis de la vraie fausse société à la main, achète des Tv à écran Lcd, des appareils photos numériques etc. … qu’il s’empresse de payer au moyen de chèques sans provisions, toujours au nom de mon client.
Les conséquences ne sont pas que financières pour mon client, qui est également un jeune lancé dans la vie.
Les projets avec sa compagne, l’enfant même un jour évoqué, attendront.
Sans compter l’angoisse quotidienne, un évènement inattendu qui peut débouler à tout moment.
Il est seul, avec son désarroi et, un peu, avec son Avocat.
Plaidoiries, requisitions du Procureur, plaidoiries.
Le jugement est rendu en fin de journée : 2ans de prison pour l’usurpateur dont un assorti d’un sursis avec mise à l’épreuve.
On n’a pas retrouvé l’original du vrai faux passeport, toujours en circulation.
Demain, l’angoisse reprendra.
La justice passe, l’usurpation reste.