Cette Cour de justice de la République (CJR) a pour mission de juger « les membres du Gouvernement (…) pénalement responsables des actes accomplis dans l’exercice de leurs fonctions et qualifiés crimes ou délits au moment où ils ont été commis. »
Là question est pourquoi créer une juridiction spéciale, réservée aux membres du Gouvernement, pour connaître de délits et de crimes de droit commun ?
La réponse est dans la composition de la Cour.
Elle est composée de 12 parlementaires, désignés par moitié par l’Assemblée Nationale et par moitié par le Sénat.
Pour faire bonne mine, on a ajouté aux professionnels de la politique chargés de juger leurs collègues, trois malheureux magistrats professionnels.
Autrement dit et pour parler clair, la CJR est une juridiction d’exception qui échappe au système judiciaire traditionnel.
C’est une juridiction au bénéfice de ceux qu’elle est appelée à juger, « les membres du Gouvernement ».
C’est un scandale dans un Etat de droit démocratique.
L’élu n’est pas celui qui doit bénéficier d’avantages de par sa fonction.
L’élu n’est même pas celui qui doit être exemplaire.
C’est bien plus que l’exemplarité.
L’élu est celui qui a plus de responsabilités que le commun des citoyens.
L’élu est celui qui a plus d’obligations que le commun des citoyens.
La CJR, par son existence, trahit une conception exactement inverse.
Comment s’étonner dans ces conditions, des emplois publics qu’on se passe entre amis, des cigares des uns, des rapports de complaisance à plusieurs dizaines de milliers d’euros d’honoraires, des autres ?
Certes, il y aura toujours plus ou moins de corruption, de népotisme, de clientélisme.
Mais le propre des institutions, est de maintenir un cap, un objectif, qui sauvegarde cette idée essentielle.
Il y a quelques mois, l’une de mes étudiantes me présentait un mémoire sur les pouvoirs de contrôle et de sanctions de la CNIL.
Elle m’expliquait que la CNIL ne se sentait pas à l’aise avec son environnement légal d’aujourd’hui et qu’une réforme était souhaitable.
Je lui répondais que sa dernière remarque était la meilleure nouvelle que j’ai entendue dans ses travaux.
Qu’une institution se déclare mal à l’aise dans les pouvoirs qui lui sont conférés est la meilleure garantie pour les citoyens que les abus seront limités.
Que les membres du Gouvernement soient terrifiés à l’idée de se trouver demain devant un Tribunal Correctionnel ou une Cour d’Assises traditionnels, est la meilleure des garanties pour les citoyens.
Alors, peut-être que la notion d’élu, retrouvera son acception première.
Le Président est élu par vote et pour une mission, un mandat que lui a confié le peuple pour une durée déterminée.
Le membre du gouvernement reçoit à son tour par désignation, une mission, un mandat que lui a confié le Président de la République et qu’il a la charge d’exécuter.
Et vive la suppression de la CJR !