Le Parlement européen a été le premier à produire un texte.
Il s’agit d’un projet de règlement communautaire appelé IA Act, voté le 14 Juin 2023. A l’heure où ces lignes sont écrites, on attend désormais le texte final pour la fin d’année 2023.
La Commission Européenne travaille en réalité sur ce sujet depuis plus de deux ans. La proposition initiale de l’IA Act date en effet du 21 Avril 2021. Plus encore, c’est depuis 2018 que la Commission européenne réunit régulièrement des experts de l’intelligence artificielle de toute l’Union, pour recueillir leurs pensées, leurs commentaires, leur expérience, sur cette technologie pas si nouvelle que ça.
Le Comité Européen de la Protection des Données (CEPD), organisme également basé à Bruxelles qui regroupe les CNIL européennes et la CNIL française elle-même, le Conseil National du Numérique et d’autres, publient en pagaille depuis plusieurs semaines, des avis, des fiches sur l’intelligence artificielle, son impact, ses limites, ses dangers.
Tout ça est très bien, mais une question préalable pourrait être posée : y a-t-il vraiment nécessité à réglementer l’IA ?
S’agissant de sujets spécialisés, tels que la propriété intellectuelle ou le droit des données à caractère personnel, nous sommes déjà largement pourvus de textes de Lois qui répondront à l’éventuel nouveau besoin.
Le Code de la Propriété Intellectuelle et le RGPD donneront des réponses à d’éventuels nouveaux besoins, au prix peut-être d’une adaptation ici ou là, mais le cadre est déjà bien rempli. En tous cas, on peut être sur qu’il n’y aura pas de vide juridique.
Alors si les sujets spécialisés ont leurs réponses, a-t-on besoin d’un texte général sur l’IA ?
Après tout, les concepts juridiques de base existant sur la loyauté de l’information, la qualité des services notamment, devraient s’appliquer sans difficulté à l’IA. Pourquoi recréer la roue ?
Tout ce ci est bien vrai, mais la réponse à cette question se trouve aux Conditions Générales d’Utilisation du service ChatGPT édité par OpenAI.
Voilà ce qu’on peut y lire, sur la question de la responsabilité de l’éditeur OpenAI dans sa fourniture de ce service :
- “Le Site et les services proposés sont fournis « en l’état » sans garantie d’aucune sorte, expresse ou implicite. Nous ne garantissons pas que le Site ou les services proposés répondront à vos attentes, seront ininterrompus, exempts d’erreurs ou que les résultats qui peuvent être obtenus grâce à l’utilisation du Site ou des services proposés seront précis ou fiables. Nous ne pouvons être tenus responsables des dommages directs, indirects, accessoires ou consécutifs, y compris, sans limitation, les pertes de bénéfices, de données ou d’autres pertes immatérielles, découlant de l’utilisation du Site ou des services proposés.”*
Ici se trouve la nécessité d’une réglementation venant fixer les rôles et responsabilités des divers acteurs et en particulier de l’éditeur d’un service d’intelligence artificielle, et de celui ou celle qui en réutilisera les résultats.
A défaut, les Conditions Générales de Services ou d’Utilisation qui sont le contrat qui lie l’utilisateur à l’éditeur, écrit par un seul, l’éditeur, se trouveront à l’égal de ce que nous venons de lire, c’est-à-dire un système annoncé sans responsable.
Il est évident que cette position ne tiendra pas devant un Tribunal, mais combien d’années, d’argent et de temps, faudra t’il aux courageux utilisateurs particuliers, pour le faire reconnaître ?
Or, pour l’intérêt général, dès lors où une offre au public est faite, celui qui en prend la responsabilité, doit l’assumer sur le plan juridique.
Il faut donc non seulement une réglementation, mais surtout une réglementation d’ordre public, affirmée comme telle car c’est la seule qui peut surpasser un contrat, c’est-à-dire les Conditions Générales de Services ou d’Utilisateurs de l’éditeur du service d’intelligence artificielle.
En effet, selon un principe quasi universel, et codifié à l’article 6 du Code civil « On ne peut déroger, par des conventions particulières, aux lois qui intéressent l’ordre public … »
Il faut donc encourager cette démarche de l’Union Européenne, en espérant qu’elle saura accoucher de textes simples et compréhensibles de tous. C’est là aussi une condition de la sécurité et de l’efficacité juridique.