Ce 30 Avril 2020, en plein confinement et crise sanitaire et alors que les Tribunaux de commerce sont fermés, le Président du Tribunal de commerce de Paris rend pourtant une décision dans laquelle Iteanu Avocats est intervenu.
Il s’agit d’un litige portant sur le service Google Ads.
Iteanu Avocats assiste cinq sociétés numériques qui s’opposent aux Sociétés Google France et Irlande.
Les plaidoiries se sont tenues huit jours plus tôt, mais sans déplacement, ni transport d’aucune sorte, en visioconférence.
Cette façon de faire est suffisamment rare pour la signaler et il convient de rappeler dans quel contexte elle intervient et selon quelles modalités.
La visioconférence a été acceptée par le tribunal, aux vues du degré d’urgence de l’affaire.
L’affaire avait été engagée quelques semaines plus tôt, avant confinement, dans le cadre d’un référé dit d’heure à heure.
Avant confinement et fermeture du Tribunal, le Président du Tribunal de commerce avait ainsi autorisé les demanderesses à engager cette action en référé d’heure à heure par voie d’ordonnance, “aux vues de l’urgence” alléguée par les demanderesses.
Dans l’ordonnance finalement rendue, le Président rappelait le cadre dans lequel cette audience en visioconférence intervenait :
En application de l’article 7 de l’ordonnance no2020-304 du 25 mars 2020 portant adaptation des règles applicables aux juridictions de l’ordre judiciaire statuant en matière non pénale, les parties ont été invitées à comparaître devant Monsieur Laurent Levesque, président, à l’audience du 22 avril 2020 à 11h, qui s’est tenue en visioconférence via la plateforme Tixeo. Un procès-verbal des opérations effectuées est dressé par le greffier.
Le Greffe du Tribunal de commerce de Paris, omniprésent, très concentré sur la réussite de l’audience en visioconférence, prenait la peine quelques jours plus tôt et avant l’audience en visioconférence, de convoquer les Avocats plaidants “en ligne“, de façon à procéder à un test sur la plateforme Tixeo.
Le test était concluant.
Le Tribunal avait en effet fait le choix de cette plateforme Tixeo, à technologie française certifiée CSPN et qualifiée par l’ANSSI (Agence nationale de la sécurité des systèmes d’information).
Le Greffe allait également demander aux Avocats d’adresser quelques jours avant l’audience, leurs dossiers de pièces et leurs dernières conclusions, prioritairement sur une plateforme de stockage informatique (drive) indépendante et opérée par une société hollandaise, chaque Avocat pouvant également adresser ces dossiers sur support papiers à l’adresse du magistrat. Le Greffe précisait d’ailleurs dans son message, que la communication par voie électronique était préférée.
Les deux Cabinets d’Avocats choisissaient cependant de communiquer leurs dossiers en mode électronique et sur support papier, ce dernier support permettant de mieux circuler au milieu de plusieurs dizaines de pages de courriers, courriels, copies d’écrans, procès-verbaux d’Huissiers, décisions de jurisprudence, actes de procédure etc. …
Le numérique est sans limite, mais pas l’homme …
Contrairement à une idée répandue, la technophilie n’appelle pas le tout numérique. Elle appelle à utiliser les technologies de manière harmonieuse et avec les limites qui sont imposées à l’être humain.
Au final, l’affaire était plaidée sans incident majeur, dans des salles de conférence manifestement improvisées : le Président quelque part dans un bureau, le Greffier quelque part dans un autre bureau, les Avocats regroupés de leur part dans des bureaux distincts, le tout en mode galerie.
A départ de l’audience, chaque Avocat était appelé à produire sa carte professionnelle face à l’écran, de façon à ce que soit constaté par le Greffier son identité.
Les débats se déroulaient ensuite pour se clôturer après que chacun ait eu le temps de faire valoir ses moyens, le Président le temps de poser ses questions, les Avocats d’y répondre.
Au final, avec un peu d’imagination, un Greffe et un Tribunal impliqués, une technologie a minima sécurisée et des pratiques entre les uns et les autres qui se forgent, la visioconférence a démontré ici qu’elle pouvait contribuer à ce que la Justice se fasse.
Bien sur, il n’est pas question qu’elle remplace l’audience ordinaire, celle où l’intonation de la voix, les mouvements et le langage du corps, le contact direct entre hommes et femmes, participent d’une justice pleinement humaine.
Mais du point de vue de l’Avocat, conseil de ses clients certes, mais aussi auxiliaire de justice, l’audience en visioconférence aura montré qu’elle est capable d’apporter quelque chose à l’oeuvre de justice, dans des situations particulières ou extrêmes.
Elle permet ainsi et aussi, de convaincre et de trancher un litige.
La justice se trouve non pas dépossédée de ses pratiques ancestrales, mais enrichie d’un nouvel outil.