A condition de trouver le formulaire adapté à son cas, la victime d’un contenu illicite, notamment une atteinte à sa vie privée, mettra tous ses espoirs dans ce document constitué de questions préétablies, qu’on croyait réservé aux administrations.
On découvre qu’il est également très apprécié dans la Silicon Valley. Qui l’aurait cru ?
Ainsi, quand la Cour de Justice de l’Union Eeuropéenne crée le droit à l’oubli par un arrêt Google Spain du 16 Mai 2014, Google met en ligne un nouveau formulaire dès le 30 mai 2014 !
L’administration soviétique n’aurait pas fait mieux !
Une fois le formulaire rempli et adressé, pour la suite, c’est la boite noire.
Comment sera-t-il traité, sur quels critères, sous quels délais ? Les rares fois où des organisations ont testé en nombre les formulaires des grandes plateformes, les résultats ont été terrifiants.
Signalons ce test réalisé par les Associations UEJF, SOS HOMOPHOBIE et SOS RACISME à l’occasion des secondes assises de la lutte contre la haine sur internet ce Dimanche 20mai 2016. Sur 586 signalements de contenus manifestement illicites signalés par formulaires à Facebook, Twitter et Youtube, 509 n’ont pas été supprimés, représentant 86,8% des contenus haineux signalés .
Quant aux outils et paramétrages, ils permettraient de gérer sa vie privée, et le tour serait joué.
Mais la réalité n’est pas si simple :
- L’existence de ces outils et paramétrages est antinaturel. Après avoir suscité la venue sur le réseau, pousser les membres à se révéler, à se connecter, à se lier, provoquer même une excitation orgiaque de révélations sur soi, Facebook met à dispositions des outils contraires ? Le membre Facebook est tiraillé ou schizophrène. Pourquoi aller sur un réseau social pour se cacher ?
- Ces paramétrages sont souvent fastidieux à mettre en œuvre, alors que, par défaut, les plateformes mettent en place un système sans … paramétrages.
- Ces outils et paramétrages sont sous le contrôle du maître du jeu, Facebook. Or, celui-ci est aussi capable de faire évoluer les règles de manière unilatérale et parfois brutale. Facebook ajoute également, régulièrement de nouvelles fonctions automatiquement proposées et activées par défaut, sans avoir prévenu personne. Ce fut le cas par exemple, d’un système de reconnaissance faciale mis à disposition par défaut par Facebook en 2012, appelé Tag Suggest, qui permettait de reconnaître automatiquement des visages en comparant les anciennes photos aux nouvelles. A l’époque, la CNIL française et ses équivalents européens s’étaient inquiétés de cette nouvelle fonctionnalité . Elle sera finalement fermée aux internautes européens la même année 2012 mais toujours accessible aux internautes américains.
Il est clair qu’avec ces méthodes, les plateformes cherchent à gérer à bon prix et de manière industrielle, le mécontentement populaire. Avec les formulaires, il s’agit aussi de gagner du temps, voire, selon la technique dite du boa, ce serpent qui étouffe sa victime, de décourager le mauvais coucheur.
Mais au-delà de ces artifices grossiers, le plus grave est qu’il s’agit de la première défaite de l’Etat de droit.
On crée chez le citoyen, le réflexe « formulaires » au lieu d’exiger que la plateforme se conforme à la Loi ou de s’adresser à la Loi de tous en tant que victime.