En réalité, ce contrat, une fois activés tous les liens hypertextes insérés dans le contrat, se présente comme une poupée russe de treize (oui 13 !) documents applicables au client, pour certains de ces documents applicables selon les options choisies par le client.Ces 13 documents renvoient eux-mêmes par liens sur d’autres documents d’un nombre indéterminé eux-mêmes opposables au client.
Au final, le lecteur voudra bien nous excuser pour ne pas pouvoir lui dire de combien de documents et encore moins de pages se composent au total le contrat Amazon. Une équipe d’explorateurs a été lancée sur ce chantier …
Il arrive fréquemment aux Avocats que nous sommes, que de mauvais professionnels nous demandent à dessein, la rédaction de « contrats le plus long possible pour que personne ne les lise ».
On ne peut imputer a priori un tel comportement à Amazon, mais on peut cependant affirmer que rien n’est fait pour aider le prospect à prendre connaissance de manière simple du contrat qui va le lier à Amazon, s’il l’accepte.
Pour rester dans les limites raisonnables d’un blog, nous nous limiterons donc au commentaire d’un seul de ces documents, le contrat client proprement dit, qui apparaît comme un « petit » contrat lisible de 14 pages (seulement) une fois imprimé au format A4 européen.
Nous signalons cependant au lecteur que les « Conditions Générales de Services Amazon » (« AWS Service Terms »), autre document intégré au contrat, composé de 43 pages, prévalent sur le contrat client, c’est-à-dire que si deux dispositions du contrat client et des conditions générales s’opposent, on prendra la disposition des conditions générales de services pour écarter celle du contrat client.
Il faut dire que ces Conditions Générales comportent des dispositions étonnantes.
On y trouve des dispositions en faveur de Microsoft, IBM, RedHat, Novell …
On y trouve d’autres dispositions plus exotiques, comme par exemple, l’interdiction pour le client, dans le cadre du service Amazon si vous faites le choix des produits Microsoft, de piloter des « centrales nucléaires ou chimiques». En revanche, une telle interdiction n’est pas prévue pour les produits IBM …
Chaque document intégré au contrat et proposé par Amazon, fait figurer une date d’entrée en vigueur en tête et en italique sous son titre.
Ainsi, et par exemple, les Conditions Générales de Services Amazone en vigueur à la date où sont écrites ces lignes est la version datée du 19 Août 2013. La précédente version était datée du 11 Juin 2013, ce qui laisse présager des changements assez réguliers de versions.
Or, l’article 12 du contrat client Amazon prévoit que « nous pouvons modifier le Contrat à tout moment notamment en publiant sur le site Amazon les dispositions modifiées (…) Les dispositions modifiées prennent effet dès mise en ligne … ».
Chacun aura remarqué le positionnement de cet article numéroté 12, soit en fin de contrat, à un endroit où seul un étudiant en droit et en thèse se trouve encore en capacité de procéder à une lecture lucide du contrat proposé.
Chacun aura donc noté que les modifications sont opposables au client, à la seule discrétion d’Amazon, et qu’elles peuvent porter sur n’importe quel élément du contrat, y compris des dispositions essentielles.
Les contrats sont en langue anglaise, ce qui ne constitue pas une illégalité en soi dans une relation entre professionnels, mais rend bien sûr plus difficile leur lecture par un client non anglophone.
Accompagnant la version du 15 Mars 2012 du contrat client, Amazon prend la peine de s’excuser que le contrat proposé n’est pas encore traduit en français et qu’il y travaille, ce dont nous le remercions.
Cependant l’article 13.12 du contrat client intitulé « entire agreement ; English language » nous apprend que le contrat en langue anglaise prévaudra en tout état de cause sur tout contrat écrit dans une autre langue. Aussi, nous invitons Amazon à ne pas faire les frais d’une traduction en langue autre qu’anglaise, il n’y a pas de petites économies par les temps qui courent.
Est-il vraiment utile de préciser que le contrat Amazon est soumis à la Loi de l’Etat de Washington et, en cas de litige, aux juridictions exclusives de ce même Etat.
Chaque commerçant signataire d’un tel contrat doit se rappeler que de telles dispositions lui sont opposables. En cas de litige, il lui reviendra donc de recourir à ces êtres étranges en chemise blanche et brettelles, mélange d’impression d’inutilité et d’efficacité, qu’on appelle Avocat américain.
Engageons maintenant la lecture du contrat client.
Un article est très attendu, celui intitulé « privacy » (article 3), censé traiter de la question des données à caractère personnel et de la vie privée.
De manière assez originale, Amazon propose au client que ses contenus hébergés soient associés à une région qu’il aura choisie. Il est vrai que pour limiter le risque majeur de la prestation cloud et se conformer aux lois européennes sur les données personnelles, les clients européens exigent de plus en plus que leurs données, qui se trouvent en réalité être souvent celles de leurs contacts, prospects et clients ou de leurs collaborateurs, soient physiquement hébergés au moins en Europe si ce n’est en France.
On pourrait penser ainsi qu’Amazon s’engage vis-à-vis du client, dans cette voie, afin de conserver les données hébergées dans la zone géographique choisie par le client.
Or, une lecture attentive de l’article en son entier, montre qu’il n’en est rien. Amazon s’autorise à transférer le contenu hébergé ailleurs que dans la zone déclarée par le client, s’il notifie ce changement à son client.
Plus encore, le même article 3.2. du contrat client prévoit la possibilité pour Amazon, lorsqu’elle y est contrainte par « la loi ou des demandes des autorités publiques » de déplacer ces contenus sans avertir le client, si la Loi ou les autorités ici clairement Américaines, l’exigent.
Une disposition contractuelle qui rappelle très clairement les dispositions légales de l’USA Patriot Act qui, justement, interdisent à des prestataires tels qu’Amazon, de révéler à leurs clients une demande d’information les concernant et émanant des services de police américains.
L’article 7.2. a) porte sur la durée du contrat.
Le moins que l’on puisse dire est que ce contrat paraît plutôt précaire, dans la mesure où Amazon peut y mettre fin à tout moment avec un préavis de 30 jours.
On notera d’ailleurs que pour une résiliation pour faute, Amazon prévoit une résiliation avec un délai de préavis identique de 30 jours.
L’article 10 du contrat client intitulé « Disclaimers » et rédigé en lettres majuscules, comporte l’énoncé classique d’exclusion de l’ensemble des responsabilités possibles pour un prestataire informatique.
En clair, et selon cet article, Amazon n’est responsable de pas grand-chose, pour ne pas dire de rien, qui soit lié à la bonne fourniture du service et à sa sécurité.
Amazon va même jusqu’à exclure une stipulation « de garantie de jouissance paisible du service » au bénéfice du client, que connaissent bien les juristes en droit de la propriété intellectuelle. En clair, Amazon va jusqu’à exclure le cas où un tiers, mettons Apple, décide de poursuivre Amazon car il considère que tout ou partie de son service enfreint ses droits de propriété intellectuelle. Si Amazon se trouve condamnée de ce chef, que cette condamnation a des répercussions sur l’utilisation du service par le client qui pourtant n’y est pour rien, cette disposition contractuelle interdit tout recours au client.
Pour les spécialistes, nous signalerons que l’article 11 qui suit, exclue de la responsabilité, non seulement de tout dommage indirect subi par le client, ce qui est classique, mais de tout dommage direct, ce qui l’est moins.
En article 13.1., un article « confidentialité » dont on pourrait penser qu’il s’avère classique renferme cependant une stipulation peu ordinaire.
Cette disposition semble interdire au client d’exposer au public ( ?) qu’il a noué une relation avec Amazon … ce qui paraît étrange pour une offre … publique.
Le reste du contrat client est composé des clauses dites de style assez classiques.
Oui, Amazon est bien le leader mondial des services de cloud computing.
Mais il ne le doit surement pas à son contrat client.