Au début des années 1990, sont apparus les premiers FAI de droit privé et grands publics. Des Calvacom aux Internet Way, ces nouveaux FAI succédaient aux universités et accès publics peuplés jusqu’alors majoritairement de chercheurs. Tout de suite, cette catégorie d’acteurs était montrée du doigt dans la lutte contre les contenus dits illicites. Internet était remplie de contenus en tous genres dont certains portaient atteinte à l’ordre public français, contenus négationnistes et pédophiles étaient les premiers dénoncés. Comme 99% de la population se trouvait accéder au réseau par les FAI, il fallait dès lors, à défaut d’un coupable, les rendre responsables de l’accès à ces contenus illicites. En France la Loi de Réglementation des Télécommunications de 1996 intégrait en dernière minute et alors que les débats étaient presque clos, un Amendement dit Fillon, du nom du Premier Ministre actuel, censé régler le cas de la responsabilité des FAI. Mais quelques semaines plus tard, le Conseil Constitutionnel censurait la mesure. Aux Etats-Unis et au même moment, Bill Clinton promulguait la première Loi Américaine sur Internet, la Decency Act, qui, sur le même sujet, mettait les FAI et leur responsabilité en première ligne. De manière surprenante, depuis ces premiers temps du droit de l’Internet, la question de la responsabilité des FAI n’est toujours pas définitivement réglée et cette question revient régulièrement au devant la scène, à l’occasion de tel ou tel fait divers. La seconde vague de mesures juridiques touchant les FAI allait venir en 2004. Le législateur décidait de fusionner les opérateurs de télécommunications avec les FAI. C’était à l’occasion de la dernière grande Loi de libéralisation des télécommunications dite Loi du Paquet Telecom appelée ainsi parce qu’elle transpose en doit français pas moins de six directives communautaires. Les telco (opérateurs télécoms) et FAI ensemble devenaient des opérateurs de communications électroniques. Nouveau paradoxe. Avec une loi censée libéralisée les télécommunications c’est à dire générer moins de règles, moins de contrôles et de régulation, on créait en réalité plus de contraintes réglementaires et plus taxes pour un seul des acteurs du marché, les FAI. Depuis cette Loi, les FAI ont l’obligation de se déclarer à l’ARCEP, l’Autorité de Régulation des Communications Electroniques et des Postes alors que le FAI n’avait aucune obligation vis à vis de l’ART précédemment, l’Autorité de Régulation des Télécommunications à laquelle a succédé l’ARCEP. Depuis cette Loi, en tant qu’opérateur, les FAI doivent payer une taxe à l’ARCEP, doivent contribuer au financement du service universel confié à France Télécom, alors que ces taxes et redevances leur étaient inconnus avant 2004. En outre, subrepticement, le code des postes et des communications leur impose de plus en plus de contraintes en matière de sécurité : par exemple, l’obligation de conservation des données technique de connexion à leur frais pendant un an à compter de leur enregistrement, ce qui représente des masses d’informations et de signaux colossaux à conserver ou l’obligation de s’équiper toujours à leurs charges, pour permettre aux services de police notamment judiciaire de réaliser des interceptions judiciaires ou de sécurité (les anciennes écoutes). La troisième vague de mesures touchant les FAI est venue du droit de la consommation et des Lois récentes, notamment en 2008, dites Loi Chatel et Loi de Modernisation Economique, créant avantageusement pour les consommateurs des obligations fortes aux FAI notamment la gratuité du temps d’attente pour les hot line, des règles de résiliation des contrats avantageux pour le consommateur, le tout dans une ambiance survoltée des tribunaux et de la commission des clauses abusives qui régulièrement dénoncent certaines pratiques défavorables au consommateur. Enfin, la dernière vague, à venir et nous dirons immanquablement à venir, est celle du droit d’auteur. Les ayants droits, Sacem et consorts, faisant le constat que la politique de répression contre les téléchargements illégaux échoue lamentablement, avant de lancer le signal d’une évolution des modèles économiques attachés aux secteurs qu’ils gèrent, en viendront à demander la taxation des FAI au titre de la copie privée. Après la redevance obligatoire sur les téléphones mobiles, les baladeurs et autres i-pod, nulle doute qu’on en viendra à la taxation de la connexion Internet. Dans cette ambiance, le financement par les FAI de la télévision publique est une mesure de plus, qui n’était pas forcément attendue, dans ce mouvement qui semble sans fin. Loin de nous l’idée de défendre une profession qui globalement gagne aujourd’hui bien sa vie. Mais deux questions s’imposent. La multiplication des contraintes, des taxes, des redevances, va interdire l’éclosion de nouveaux acteurs et va immanquablement pousser à la concentration des acteurs existant. Or, le FAI est un acteur majeur qui est le garant de l’accès pour tous au réseau, donc au savoir et à la connaissance, donc aussi à la liberté d’expression. N’est ce pas dangereux de laisser ce goulot d’étranglement à quelques uns seulement ? En second lieu et corrélativement, n’est on pas aller trop loin à montrer du doigt de manière quasi systématique le FAI comme responsable de tous les maux de l’Internet ? En d’autres termes, n’en a t’on pas fait un bouc émissaire ? Il serait bien que nos élites politiques réfléchissent d’avantage aux grands équilibres de la société de l’information avant de prendre des décisions du type de celles du financement de la télé publique par les FAI.