Il n’existe aucune hiérarchie entre les races, les peuples et les cultures.
Chacune a sa propre empreinte et son propre apport à l’humanité.
En revanche, ce qui fait la différence entre les peuples sont les lois qu’ils se donnent et leur manière de les appliquer.
Or, on ne peut qu’être frappé de l’alignement rampant auquel nous assistons depuis plusieurs années du droit européen sur le droit états-uniens. La France est loin d’échapper à ce phénomène. L’Internet et son flot de paradigmes associés, n’est pas étranger à cette évolution. Cette réflexion n’a pas la prétention de répondre à toutes les questions posées. Elle mériterait sans doute une étude approfondie. Mais nous proposons d’illustrer nos premiers propos au travers de trois illustrations.
L’avènement d’une société technicienne
C’est évident, la société se ré organise toute entière autour des réseaux numériques. Ce faisant, se réorganiser autour des réseaux pour faire interagir les citoyens entre eux et en toutes leurs activités, c’est en réalité se soumettre aux réseaux. Car les protocoles de ces réseaux nous sont imposés, et personne ne les a discutés ni encore moins votés. Cette soumission à la technique a plusieurs conséquences. La réglementation en prenant en compte la technique, se « techinicise » à son tour. Et cette réglementation technique exige pour l’appliquer le recours à des techniciens. Prenons un exemple, le droit de la responsabilité civile. Au début du Siècle dernier, le principe posé tenait en une seule ligne et les exceptions en quelques lignes (art. 1382 du code civil). Les règles de la responsabilité dans la société de l’information sont aujourd’hui issues d’une directive sur le commerce électronique de 2000 transposée en droit français par la Loi pour la confiance (Sic) dans l’économie numérique de juin 2004. Le texte de base est établi sur deux pages et brille par sa complexité, à tel point que la Cour de Cassation n’en finit pas de virer et revirer sur la question. Ce qui est vrai pour le droit de la responsabilité, l’est aussi du droit des contrats, du droit de la preuve (la réglementation sur la signature électronique sécurisée promulguée est de ce point de vue une caricature : elle est si complexe que personne ne l’applique pas même l’Etat lui-même !), le droit de la consommation etc. … Traditionnellement en droit français, la Loi descendait de la morale, elle surfe aujourd’hui sur les réseaux et est devenue une technique au service des marchés. La défense de la vérité, de la justice et de la paix sont des préoccupations lointaines.
Le recours à des agences
Corrélativement, on voit poindre une quantité d’autorités, on dirait aux Etats-Unis des agences, qui édictent des réglementations fortement techniques, les contrôlent, sanctionnent leur violation et contrôlent leurs décisions de sanctions. Montesquieu et sa séparation des pouvoirs doit s’en retourner dans sa tombe. La première de ces agences dans le temps a été la CNIL, la commission nationale de l’informatique et des libertés, créée en 1978. Les deux dernières sont l’Hadopi, Haute Autorité pour la Diffusion des Œuvres et la Protection des Droits sur l’Internet et l’ARJEL, Autorité de Régulation des jeux en Ligne. Au total ces Autorités sont 42, récemment critiquées par un rapport parlementaire publié fin Octobre 2010, elles ne se limitent pas au secteur des TIC mais y ont pris une part prépondérante. Le conseil constitutionnel, conseil d’état, cour de cassation, limitent régulièrement leurs pouvoirs ou le sanctionnent mais elles font désormais partie du paysage juridique français et pour très longtemps. L’origine de ces autorités est très clairement anglo-saxonne.
Le recours à des modes alternatifs de règlement des litiges plutôt que le service public de la justice
Enfin, et c’est logique, le recours au service public de la justice est en passe de devenir l’exception. Les grands acteurs des réseaux se méfient beaucoup de cette institution judiciaire, « électrons libres » et empêcheurs de tourner en rond. Alors se développent, à côté des agences vues avant, des modes dits alternatifs de règlement des litiges. L’exemple des noms de domaine Internet est frappant. La quasi totalité des contentieux noms de domaine contre marques, est aujourd’hui traité dans le cadre de procédures on line à Genève ou aux Etats-Unis qui appliquent pour résoudre la sanction des règles de droit et d’essence anglo-saxonne.
Il est des évolutions qui s’imposent à coup de révolutions et d’autres qui s’imposent dans le temps. L’américanisation du droit est une réalité bien vivante qui se déroule sous nos yeux. C’est une évolution probablement inévitable mais à laquelle personne n’a réellement donné son accord et l’Internet participe très largement à ce mouvement.