La 1ère Ministre Elisabeth Borne, les Ministres de l’Intérieur et de la Justice ont signé le 12 Juin 2023 un Décret qui donne à un service de police spécialisé en numérique, l’Office Central de Lutte contre la Criminalité liée aux Technologies de l’Information et la Communication dite OCLCTIC le pouvoir de bloquer ou déréférencer sur sa seule décision et sans contrôle a priori d’un juge, un site web miroir.
Or, ce Décret n’est plus isolé. Les exemples se multiplient depuis près d’un an et demi, de limitations ou de blocages de sites que le législateur et/ou le pouvoir exécutif, confient à des administrations ou autorités administratives, sans contrôle préalable d’un juge.
Dans le code des sports par application d’une Loi du 2 Mars 2022 visant à démocratiser le sport en France 😊, il est attribué au Président de l’autorité nationale des jeux, une des nombreuses autorités administratives indépendantes, le droit de mettre en demeure des sites à caractère pornographiques accessibles aux mineurs, y compris possiblement à l’encontre de ceux qui font la publicité de ces sites, puis, un délai passé, celui-ci se voit doter de la capacité d’ « ordonner » ++bien lire++ directement aux FAI, hébergeurs et autres « d’empêcher l’accès ou faire cesser le référencement« . Un exemple frappant d’une autorité administrative disposant d’un pouvoir exorbitant sans contrôle a priori d’un juge judiciaire.
A l’été 2022, c’est une Loi du 16 Août 2022, qui donnait à la Direction Générale de la Concurrence, de la Consommation et de la Répression des Fraudes dite DGCCRF (article L521-3-1 du code de la consommation) le pouvoir d’intervenir auprès des fournisseurs d’accès internet, hébergeurs et moteurs de recherche pour « prendre toute mesure utile destinée à (en) limiter l’accès » à un site que cette administration considèrerait contre contrevenant. La DGCCRF se voit même la faculté d’ordonner aux opérateurs de registre et aux bureaux d’enregistrement de domaines de prendre une mesure de blocage d’un nom de domaine dans un tête à tête avec les intermédiaires techniques hors de la vue de tout juge.
Dans le projet de Loi visant à sécuriser et réguler l’espace numérique actuellement discuté au Parlement, c’est l’ARCOM qui se voit maintenant offrir le droit de bloquer les sites pornographiques qui ne contrôlent pas l’âge de leurs utilisateurs.
Bien évidemment, chacun de ces textes pose des conditions à l’acte de blocage mais ces conditions ne pourront être contrôlées par un juge qu’a posteriori, c’est à dire dans des délais indéterminés et à un certain coût, une fois le blocage opéré.
Bien sur, ces mesures peuvent paraître légitimes. Qui n’est pas pour protéger les mineurs des méfaits de la pornographie en ligne ? Mais au-delà des bons sentiments, c’est la multiplication de ces pouvoirs exorbitants distribués ici et là qui interroge. A-t-on bien mesuré l’impact de tels pouvoirs appliqués unilatéralement ?